Le Char de Belgrade

Le Char de Belgrade

Téléphone

+32 (0) 81 73 46 31

On se demande souvent (et les Etrangers en sont fort intriqués) pourquoi, dans la proche banlieue namuroise (aujourd'hui dans le Grand Namur), existe une localité qui porte un authentique nom slave : "Belgrade" (la ville blanche).
Les origines de Belgrade sont liées à une coutume du Vieux Namur. Au 18ème siècle, pendant la semaine, les Namurois demeuraient dans leur ville entourée de puissantes fortifications. Ainsi, les dimanches et jours de fête, éprouvaient-ils un réel besoin d'évasion, le désir de gagner la campagne. C'était la sortie hebdomadaire extra muros, hors ville. Or, il était reconnu que les Namurois en promenade, aimaient se désaltérer, éprouvaient le besoin de se sustenter, car ils passaient pour être portés "sur leur bouche" (Namur li glote). Aussi, la banlieue namuroise était-elle parsemée de cabarets et de guinguettes.

Belgrade 2
Belgrade 3
Belgrade 4
Belgrade 5

Jusqu'au 18ème siècle, le territoire sur lequel s'élève aujourd'hui Belgrade comprenait presque exclusivement des champs et des campagnes, dépendant du village de Flawinne. L'endroit lui-même était dénommé la Haie-le-comte. Au Moyen-Age, le comte de Namur y avait possédé une réserve de gibier, fermée d'une haute haie. Celle-ci avait fini par disparaître. Or, à la fin du 17ème siècle, la route de Namur à Nivelles, qui traversait les campagnes de la haie-le-comte, fut peu à peu pavée jusqu'aux environs de Temploux, si bien que les Namurois prirent l'habitude d'en faire un but de promenade, lors de leur sortie hors ville. L'affluence des promeneurs eut un résultat inévitable, des guinguettes apparurent. Ce fut un certain Hubert Gaine qui, en 1719, eut l'idée - sacrifiant à l'actualité - de créer un établissement champêtre dénommé "A Belgrade".
L'année précédente, en 1718, les villes de Belgrade et de Témesvar avaient été enlevées aux Turcs, après plusieurs siècles de domination musulmane. Des régiments wallons avaient participé à ces glorieux faits d'armes. Dans les Pays-Bas autrichiens, des grandes réjouissances furent ordonnées à cette occasion. Ce qui montre combien l'actualité était appréciée, c'est qu'en 1720, non loin du cabaret "A Belgrade" surgit un cabaret concurrent "A Timisvar".
Le vieux nom de la Haie-le-comte tomba en désuétude, le nouveau hameau, formé principalement de guinguettes, retint le nom sonore de Belgrade.
Il faut savoir que les propriétaires de ces guinguettes eurent un véritable trait de génie, celui de confectionner des tartes en vue des visites du dimanche. Or, au 18ème siècle, on ne faisait des tartes dans les villages qu'à l'occasion de la dicausse ou kermesse locales (des tartes en roues de chariot). Au nouveau hameau, les Namurois trouvèrent des tartes tous les dimanches et des tartes excellentes, car les tenanciers des guinguettes se révélèrent de véritables artistes dans cette spécialité, d'où le sobriquet de « Tautis » (fabricants de tartes) qui leur fuit attribué et qu'on doit prendre dans le meilleur sens du terme, d'où aussi le dicton qui ne tarda pas à se répandre (encore connu aujourd'hui) : "C'est todi dicausse à Belgrade" (c'est toujours la ducasse à Belgrade).
Aujourd'hui, dans notre folklore, une confrérie dite « des Chevaliers de la Tarte et de la Pompe » qui s'est créée à Belgrade, a pour but de rappeler le passé du village sous toutes les formes possibles.
Cette confrérie présente dans les fêtes namuroises un char rappelant un de ces dimanches des Namurois chez les « Tautis ». Attablés à la terrasse de la fameuse guinguette, quelques promeneurs namurois, ainsi que deux ou trois militaires autrichiens de la garnison, en train de déguster la fameuse tarte ou de se rafraîchir ... à la bière.